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Le 26 février de cette année, le quotidien Les Echos titrait à la une : « Dette : la bonne surprise budgétaire de Macron – La charge de la dette pourrait s’alléger de 10 milliards d’ici 2021 ». Cette affirmation provient des conclusions d’une étude effectuée par la Banque de France et publiée en décembre 2018.

D’ailleurs, un autre quotidien, Libération, avait également fait référence à cette étude le 11 janvier 2019 et avait titré : « La charge de la dette, une ardoise qui pèse de moins en moins ».

En effet, le graphique affiche une baisse prévisionnelle de la charge de la dette publique d’environ 10 milliards d’Euros entre 2018 et 2021,  de 42 milliards à 32 milliards d’Euros. La réduction correspondrait ainsi à 25% de la charge de la dette annuelle. L’argument est que la baisse des taux commencerait à impacter le coût de la dette.

Or, il est nécessaire d’attribuer quelques bémols à cette déclaration, peut-être un peu trop optimiste.

Tout d’abord, l’étude, même si elle a été publiée en décembre 2018 ne tient pas compte des derniers chiffres connus.

D’une part, dans les informations rapides de l’INSEE de fin décembre 2018, nous pouvons prendre connaissance de l’évolution du montant de la dette publique. De 2 257,8 au 4ème trimestre 2017, il est passé à 2 322,3 milliards d’Euros au 3ème trimestre 2018, et les dernières informations le porteraient aujourd’hui à 2 360 milliards d’Euros ; ce qui correspond à plus de 100 milliards par rapport à 2017. Montant qu’il faudra bien emprunter et donc, qui générera certainement[1] des intérêts à payer.

D’autre part, nous avons à notre disposition tous les derniers chiffres publiés par l’Agence France Trésor (AFT). En prenant les différents échéanciers de la dette budgétaire[2] négociable à moyen et long terme , nous avons calculé la somme des intérêts des obligations arrivant à échéance pour les années 2017, 2018, 2019 et 2020, ainsi que les taux moyens pondérés de ces échéances :

Année Montant à échéance en Mds d’EUR Montant des intérêts en Mds d’EUR Taux moyen pondéré
2017 103,8 3,0 2,89%
2018 115,9 2,7 2,30%
2019 128,8 3,6 2,82%
2020 161,0 2,7 1,68%

Pour qu’il y ait une baisse de 10 milliards d’Euros de la charge de la dette à l’horizon 2021, il faudrait alors que les renouvellements des OAT en 2018, 2019 2020 et 2021 soient faits à des taux inférieurs aux différents taux moyens pondérés, à montants identiques. Ce qui ne semble pas irréaliste compte tenu de la courbe des taux actuelle. Un autre petit calcul nous apprend que le taux moyen de renouvellement des emprunts devrait être de 0,39% pour diminuer la charge de la dette de 10 milliards. La moyenne des échéances ne devrait alors pas dépasser 7 à 8 ans, durée moyenne traditionnelle.

Or, si l’on examine les émissions effectuées en 2018, on constate que le montant total est de 218 milliards d’Euros (donc plus de 100 millions par rapport aux échus de 2017), à un taux moyen de 0,91% (donc au-dessus du taux point mort calculé), impliquant un montant de coupons annuels de 2 milliards (à comparer avec les 3 milliards de l’échéance de 2017). Encore 9 !

De plus, à ce montant d’intérêt il faut rajouter la charge des OAT indexées inflation (OATi et OAT€i), et là, les conclusions sont moins optimistes.

Une OAT indexée est émise avec un nominal et un coupon annuel, comme une OAT classique. La différence est qu’à l’échéance de l’OATi ou OAT€i, le nominal remboursé est augmenté de l’indexation de l’inflation[3]. L’indexation est donc payé In Fine, en un seul paiement. Ci-dessous les montants des charges d’indexation, constatées ou prévues[4] pour les différentes années :

Année Charge d’indexation en Mds d’EUR
2018 0,5
2019 1,2
2020 5,5
2021 0,6
Total 7,8

Ceci signifie, que les paiements de l’indexation des OATi et OAT€i gommeront en grande partie l’effet bénéfique de la baisse des taux sur la charge de la dette.

En 2018, 18,9 milliards d’OAT indexées ont été émises à des échéances parfois lointaines. Même si les encours d’OATi et OAT€i sont relativement faibles, de l’ordre de 10% de la dette négociable, les conséquences de l’indexation peuvent être désastreuses.

Une solution serait alors d’emprunter à taux d’intérêt négatifs, donc à des échéances inférieures à 5 ans. Mais, cette fois l’Etat s’exposerait à un risque de contrepartie puisque, dans ce cas, ce sont les investisseurs qui paient les intérêts.

Et comme l’on sait que l’AFT émet des OAT à prime d’émission (coupon supérieur au taux du marché) pour obtenir de la trésorerie et/ou rendre certaines souches plus liquides, il sera d’autant plus difficile d’atteindre l’objectif de 10 milliards d‘économie.

Conclusion : si les charges d’indexation n’avaient pas existé, nous aurions pu accepter la conclusion de la Banque de France. Malheureusement, elles sont bien présentes et leur montant est loin d’être négligeable, alors qu’elles l’ont été … négligées.

I.Klein

[1] Certainement car nous supposons que l’emprunt ne se fera pas à court terme, donc à taux d’intérêt négatif.

[2] La dette budgétaire négociable est de 1 757 milliards alors que la dette publique négociable est d’environ 2 000 milliards d’Euros. Nous ne ferons le raisonnement que sur la dette budgétaire (88%).

[3] En cas de déflation, le nominal n’est pas impacté.

[4] On ne peut pas connaitre le montant exact de l’indexation tant que l’OAT n’est pas arrivée à échéance