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USD/JPY : Dépréciation, inquiétude des marchés ?

Analyse du marché: capture du 14/12/2018 au 04/01/2019.

La monnaie japonaise, le Yen (JPY), a la réputation d’être une devise refuge, tout comme le Franc Suisse (CHF). Ces deux devises ont en effet connu une forte hausse dés mi-2007 face aux devises principales, telles que le Dollar (USD), l’Euro (EUR) et la Livre de Grande-Bretagne (GBP) lorsque les débuts de la fameuse crise se sont faits sentir, et que les marchés ont commencé à se montrer inquiets.

Pourquoi le JPY est-il une devise refuge ?

Tout d’abord, dès que le japon a décidé d’internationaliser sa devise, en 1983, elle a entamé une tendance haussière, perturbée par quelques mouvements inverses, mais importante : d’un niveau de 250 en 1983, le cours du USD/JPY a atteint celui de 76 en 2012, son plus bas historique. Grâce à cette longue tendance de fonds, les marchés ont attribué une certaine confiance à la monnaie japonaise.

Techniquement, le Japon est un important exportateur de capitaux. En cas d’inquiétude au sujet de la direction des marchés et/ou de la situation politique à l’étranger, les investisseurs japonais rapatrient leurs capitaux et donc vendent des devises, notamment du USD, et rachètent du JPY, participant alors à son appréciation.

Même si elle atteint environ 240% du PIB, la dette publique japonaise était détenue en juin 2017 à plus de 89% par les japonais eux-mêmes : 40% environ par la BOJ, 46% par les banques, assurances et fonds de pension locaux, 3% par les ménages et autres et seulement 11% par les étrangers. Un Etat dont le financement n’est pas dépendant des investisseurs étrangers est toujours rassurant pour les marchés, qui n’envisagent pas, alors, que l’Etat puisse un jour ne plus parvenir à se financer.

De plus, « le Fonds Monétaire International estime la dette nette à un niveau bien moindre de 152 % après déduction des actifs financiers appartenant à l’Etat. En outre, la Banque du Japon détient des obligations d’Etat pour une valeur de 90 % du PIB, et restitue en fin de compte au gouvernement, sous forme de dividendes, l’ensemble des montants qu’elle perçoit de lui en tant qu’intérêts sur les obligations qu’elle détient.» Source.

Ce que dit l’économiste Adair Turner, Président de l’institut New Economic Thinking, est qu’il ne suffit pas de regarder le chiffre brut publié du déficit public du Japon pour tirer des conclusions sur la santé de l’Etat japonais.

Tous les Etats détiennent des actifs, par exemple immobiliers. Ceux-ci sont peu liquides et donc ne sont pas, à notre avis, à déduire de la dette publique. Mais ils possèdent également des actifs financiers, comme des actions, qui leur procurent des dividendes, donc des revenus. En revanche, ces actifs sont « liquides » donc déductibles de la dette publique. Adair Turner dit aussi que la BOJ étant l’investisseur principal de l’Etat japonais, le fruit de ses investissements dans ses obligations revient indirectement à l’Etat sous forme de dividendes.

Ce raisonnement alléchant est malgré tout à prendre avec des pincettes. Tout d’abord, imaginez la réaction des marchés si l’Etat japonais commençait à vendre ses actifs financiers pour combler son déficit public ! Ensuite, quel serait l’intérêt du Japon de vendre des actifs qui lui procurent des dividendes supérieurs aux taux d’intérêt à payer sur ses émissions d’obligations. Aucun !

L’arbitrage est clair : Emprunter à taux faible, voire négatif, et conserver des actifs qui procurent un gain supérieur, en contrepartie, conserver un lourd déficit public.

La balance courante japonaise est régulièrement excédentaire.  Cette donnée prouve que la santé commerciale du japon est bonne : le pays « produit plus de richesses qu’il n’en consomme ». De quoi rassurer les marchés !

Pourtant, la part du JPY dans les volumes du marché des changes n’est que de 22% (PDF), alors que celle du USD est de 88% et celle de l’EUR de 31%. Mais cette relative faiblesse du JPY dans les échanges au sein du FOREX, est dû au fait que les deux premiers partenaires commerciaux du Japon sont les Etats-Unis et la Chine, presque 40% des exportations et 35% des importations. Or, ces deux pays paient principalement en USD. D’ailleurs, la part du renminbi (CNY) n’est que de 4% en moyenne dans les échanges quotidiens sur le FOREX. De plus, son plus important poste d’importations est celui des matières premières et de l’énergie, environ 30%, produits traditionnellement payés en USD également.

Les marchés connaissant récemment une forte volatilité, on peut imaginer que le JPY a de nouveau joué son rôle de devise refuge. Si en plus, le Japon parvient à sortir son épingle du jeu avec de relatifs bons résultats économiques, et qu’aucun autre désastre naturel n’ait lieu, il y a de fortes chances pour que le JPY poursuive sa hausse.

Un bémol malgré tout : La BOJ risque de ne pas être d’accord …

I.Klein

Analyse du marché en temps réel.